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Les imprimeurs quimpérois du siècle des Lumières à 1862

A partir de 1704, un seul atelier d'imprimerie est autorisé à Quimper. Mais les imprimeurs déjà installés sur la place peuvent continuer leur activité.

C'est le cas de l'imprimerie de Guillaume Le Blanc, place au Beurre, qui continue d'imprimer très modestement jusqu'en 1722, année du décès de celui-ci.

Son fils également prénommé Guillaume reprend alors l'affaire familiale à 29 ans. En 1721, il est qualifié d'imprimeur sur son acte de mariage qui l'unit à Christine Hubert.

Il est peu probable qu'il ait fait rouler les deux antiques presses de l'atelier. Sans doute s'est-il contenté de vendre du papier, des livrets aux écoliers du collège et de recouvrir de carton ou de parchemin les brochures que quelques quimpérois lui confiaient. Il décède en 1744 dans la paroisse de Saint-Sauveur.

Jean Périer, imprimeur ordinaire de la surintendance

Jean Périer, imprimeur ordinaire de la surintendance, de l'hôtel de ville, de l'évêque, du clergé et du collège. Le XVIIIème siècle voit alors l'atelier de Jean Périer s'imposer face à ses concurrents.

Gravure du blason de Quimper imprimé par Perier, 1716Voir l'image en grand Gravure du blason de Quimper imprimé par Perier, 1716Ce marseillais de naissance est probablement arrivé à Quimper en 1686, date d'une réimpression d'un ouvrage de Julien Maunoir intitulé An templ consacret dar Passion Jésus-Christ. Batisset gant ar speret glân er galon ar christen devot composet gant an tat Julian Maner et conservé à la Bibliothèque nationale.

Jean Périer qui n'a alors que 22 ans quant il s'installe place Maubert à l'enseigne Au bon pasteur avec son compatriote et ami Charles Seyti, relieur. Puis, il se marie à Françoise Lahue de qui il aura neuf enfants entre 1695 et 1704.

Vers 1716, il semble que l'atelier de Jean Périer déménage pour s'installer dans la rue des Etaux (actuelle rue des Boucheries). Un extrait des registres du Parlement imprimé sous la forme d'un placard par Périer confirme cette hypothèse.

Nouveau règlement de police imprimé par Jean Périer en 1719Voir l'image en grand Nouveau règlement de police imprimé par Jean Périer en 1719De nombreuses affiches et brochures administratives ainsi qu'une abondante littérature principalement religieuse sont sorties des presses de Jean Périer. On peut citer, entre autre, Le nouveau règlement de police pour la Ville, Faux-bourgs et ressort de la ville imprimé en 1719 et conservé aux archives municipales ou encore Recueil des vertus et des miracles du révérend père Julien Maunoir par le père G. Le Roux de la compagnie de Jésus imprimé en 1716 et aujourd'hui conservé à la bibliothèque de l'évêché.

Le travail de l'imprimeur Jean Périer est extrêmement soigné. La plupart de ses réalisations sont ornées d'illustrations exécutées à partir de gravures sur bois ou sur métal insérées dans le texte.
Jean Périer décède dans la paroisse de Saint-Sauveur le 5 novembre 1732. Son acte mentionne qu'il est «seul imprimeur et marchand libraire».

Simon-Marie Périer, le successeur

A la mort de son père, Simon-Marie, fils aîné du couple, reprend l'affaire familiale.

Extrait registre délibérations, imprimé par S. Perier, 1767Voir l'image en grand Extrait registre délibérations, imprimé par S. Perier, 1767Il est né le 2 mai 1697 dans la paroisse de Saint-Julien. Il est le troisième enfant de la famille. Il effectue ses études au collège des Jésuites et rentre en apprentissage chez son père avant de partir se perfectionner en Hollande et à Paris.

Le 18 septembre 1724, il épouse à Saint-Esprit Julienne Sillandre. L'acte de mariage ne mentionne pas son métier mais sans doute travaille t'il dans l'atelier familial.

En 1726, à la naissance de son deuxième enfant Jean-François, Simon-Marie est qualifié d'imprimeur du Diocèse.

Après le décès de son épouse survenu en 1750, il se remarie avec Jeanne Marie Caris probablement la même année puisque celle-ci donne naissance à une fille prénommée Marie-Jacquette le 3 août 1751 à Saint-Sauveur.
L'atelier de Simon-Marie poursuit l'activité paternelle : il sort de ses presses des actes administratifs et des ouvrages principalement en langue bretonne.

Simon-Marie décède le 26 décembre 1774 à l'âge de 79 ans. C'est son gendre Marin Blot qui va prendre la succession de l'atelier d'imprimerie.

Marin Blot, de la toge au tablier d'imprimeur

Marin Blot a épousé Marie-Jacquette Périer le 15 mai 1769. Il est alors avocat au Parlement de Normandie et directeur des Fermes de Bretagne à Quimper. Marin est 30 ans plus âgé que sa jeune épouse qui n'a que 18 ans. De cette union va naître un fils prénommé Simon Marie Joseph Marin né le 1er avril 1773 à Saint-Sauveur.

Ouvrage sorti des presses de la veuve Blot en 1778 Voir l'image en grand Ouvrage sorti des presses de la veuve Blot en 1778 René Kerviler écrit dans sa bio-bibliographie bretonne qu'il devient imprimeur en 1772 à la place de son beau-père démissionnaire. Au moment de la naissance de son fils en 1773, Il est signalé comme imprimeur-libraire de Quimper dans l'acte de baptême. Mais il n'exercera pas longtemps son nouveau métier puisqu'il meurt en 1777.

Sa veuve conserve la direction de l'imprimerie. Plusieurs ouvrages sortent des presses de l'atelier sous son nom à l'exemple de Vocabulaire nouveau ou colloque françois et breton, ouvrage très-utile pour ceux qui sont curieux d'apprendre l'une ou l'autre de ces deux langues, A Quimper chez la veuve Blot, seule imprimeur-libraire, 1778.

Marie-Jacquette épouse en secondes noces Yves Jean Louis Derrien, fils d'un libraire de Brest et démissionne en sa faveur en 1779.

Trois imprimeurs à Quimper de la Révolution à la fin du premier Empire

Yves Jean Louis Derrien, un ancien apprenti à la direction de l'atelier Blot
Yves Jean Louis Derrien est né à Brest le 2 octobre 1743 de Jérôme, libraire et d'Anne- Françoise Mauduit.

Brevet d'imprimerie accordé à Derrien en 1811Voir l'image en grand Brevet d'imprimerie accordé à Derrien en 1811Il fait son apprentissage à Quimper chez Simon-Marie Périer en 1760. Après un séjour à Brest pour aider son père à la librairie, il part à Paris durant une année en vue de se perfectionner chez André-François Le Breton, premier imprimeur de Sa Majesté.En 1768, il est reçu libraire à Brest en remplacement de son père devenu impotent.

Ce n'est que 10 ans plus tard qu'Yves Jean Louis Derrien va pouvoir exercer son métier à la suite de son mariage avec Marie-Jacquette Périer, fille de son premier patron et veuve de Marin Blot.

Très impliqué dans la vie de la cité, il devient en 1792, directeur de l'hospice civil de Quimper et membre du conseil de district de Quimper en 1795. En 1800, le consul Bonaparte le nomme conseiller de préfecture.
Lorsque paraît le décret du 5 février 1810, l'évêque Dombidau du Crouseihles intervient personnellement en sa faveur pour qu'il soit maintenu comme imprimeur à Quimper.

Les archives conservent de nombreux documents imprimés par Derrien, notamment une affiche de 1784 concernant les foires de Quimper. Il a également imprimé le Catalogue des objets échappés au vandalisme dans le Finistère datant de 1796 et aujourd'hui conservé à l'évêché de Quimper. Il a aussi effectué de nombreuses rééditions d'ouvrages de piété en langue bretonne.

En 1817, année de disparition de Marie-Jacquette, Derrien cède l'imprimerie à Simon Blot, fils de Marin et de son épouse. Il meurt trois ans plus tard rue des Etaux. Il n'est alors que simple propriétaire.

Nicolas Havard, éphémère imprimeur à Quimper Loi imprimée par Nicolas Havard en 1792Voir l'image en grand Loi imprimée par Nicolas Havard en 1792
Les archives possèdent peu d'éléments sur Nicolas Havard. Au moment de l'ouverture de son atelier d'imprimeur à Quimper en 1792, il est âgé de 34 ans et est domicilé rue Saint-François.

La même année naît de son union avec Jeanne Havard un fils prénommé Jean François Nicolas Anatoire. Il semblerait que l'atelier Havard disparaisse en 1793.

Outre l'acte de naissance de son fils, les archives municipales conservent également l'imprimé d'une loi du 12 juin 1792.


Pierre Marie Jean Barazer, un orfèvre devenu imprimeur
Le parcours professionnel de Pierre Marie Barazer est atypique. Il est né le 29 septembre 1766 à Lannion de Charles et de Marie-Perrine Feillet.
A 15 ans il passe son brevet d'apprentissage du métier d'orfèvre chez Julien-Marie Feillet, orfèvre à Quimper. Il y reste comme compagnon jusqu'en 1790 où il passe sa maîtrise puis s'installe rue Kéréon et épouse en première noce Anne-Jeanne Raimbourg le 12 octobre.

En 1793, Barazer fait parti du Directoire du district de Quimper présidé par Le Déan. On lui doit notamment le procès-verbal de «descente et pesée» de l'orfèvrerie dans la cathédrale et les églises de la ville. Il œuvre également en tant qu'expert du district pour dresser l'état des matières d'argent du district de Pont-Croix et celui des matières d'or et d'argent provenant d'émigrés du district de Morlaix.

Le 14 juillet 1794 son épouse Anne-Jeanne Raimbourg donne naissance à un fils prénommé Agricole. A cette époque Pierre Marie Barazer exerce toujours le métier d'orfèvre jusqu'en 1795 où il s'installe en tant qu'imprimeur et devient concurrent de l'atelier d'Yves Jean Louis Derrien.

Lettre imprimée par Pierre Marie Barazer en 1796Voir l'image en grand Lettre imprimée par Pierre Marie Barazer en 1796Les archives municipales possèdent de nombreuses circulaires, lettres et affiches sorties de son atelier. La plus ancienne lettre conservée dans le service est adressée au sieur Detaille ingénieur à Quimper et date du 7 juillet 1796.

En 1799, Pierre Marie Barazer déménage son atelier au n° 35 de la place de la République (actuelle place Saint-Corentin) puisque le 11 mars, il imprime à cette adresse une circulaire du ministre de l'intérieur sur une question relative aux mariages.

Pendant 11 années il exerce son art à Quimper avant de vendre son officine sans doute suite au décret du 5 février 1810 qui règlemente l'imprimerie et la librairie.
En effet à partir du 1er janvier 1811, un nombre d'imprimeurs est fixé pour chaque département. Ils doivent obligatoirement être brevetés et assermentés et sont tenus d'avoir au minimum deux presses dans leur atelier.

Enfin, chaque imprimeur breveté doit tenir un livre côté et paraphé par le maire où figurent le titre de l'ouvrage, le nombre de pages et le nombre d'exemplaires qu'il doit imprimer. Face à ces nouvelles obligations légales, Pierre Marie Barazer avait-il encore les moyens matériels de faire face à la rude concurrence de l'imposant atelier d'Yves Louis Derrien soutenu par l'évêque de Quimper ?

Quoiqu'il en soit, on le découvre propriétaire à Quimper dès la fin de l'année 1811. Il décède à Ergué-Gabéric en 1823.

Les Blot de père en fils

Simon-Marie Blot
Simon Marie Joseph Marin Blot est né le 1er avril 1773 à Quimper de Marin et Marie-Jacquette Périer.

Ouvrage en breton imprimé par Simon Blot en 1827Voir l'image en grand Ouvrage en breton imprimé par Simon Blot en 1827Il fait toutes ses études au collège de Quimper. L'année 1793 est marquée par de nombreux déplacements puisqu'on le retrouve sergent major de la division des fédérés à Paris puis lieutenant du bataillon du district de Pont-Croix. Il est probable qu'après 1795, il travaille dans l'atelier d'imprimerie de son beau-père car il est qualifié d'imprimeur sur son acte de mariage avec Françoise Hyacinthe Delyons daté du 30 mars 1798.

La famille Delyons semble être bien implantée dans le milieu de la bourgeoisie quimpéroise puisque le parrain du frère de Françoise Hyacinthe n'est autre que Michel Laennec avocat au parlement, procureur fiscal de la juridiction des Réguaires, sénéchal de Locmaria et grand-père de Laennec.

En 1800, Blot devient employé de préfecture. C'est la profession qui figure sur l'acte de naissance de son fils Eugène le 30 janvier 1802.
Sa carrière administrative se termine en 1817 quand Yves Louis Derrien se retire de la direction de l'atelier à son profit.

En 1827, Simon fonde l'Annuaire du Département du Finistère, imprimé avec l'autorisation de la Préfecture. Il imprime beaucoup pour l'administration et également pour l'évêché.
Ayant de plus en plus de responsabilités politiques (maire de Quimper en 1831, président du tribunal de commerce en 1832), Simon Blot va laisser la gestion de l'imprimerie à son fils Eugène.

Les archives conservent une déclaration d'intention d'imprimer pour l'annuaire du Finistère de 1837 dont le S de Simon est remplacé par le E d'Eugène.
Simon Blot décède le 19 mai 1853 rue des Boucheries (ancienne rue des Etaux).

Eugène Blot face à la concurrence
Il est né le 30 janvier 1802, rue des Etaux à Quimper. Après des études au collège de Quimper, il travaille dans l'atelier d'imprimerie paternel. Dans les années 1830, son père lui cède la direction de l'affaire familiale.

En 1835, Eugène Blot est le seul imprimeur en lettres de Quimper.
Mais déjà en 1828, le père d'Eugène avait du faire face à la demande du sieur Hyacinthe de Saint-Pray qui avait sollicité un brevet d'imprimeur en lettres à Quimper.

En 1832, l'imprimeur quimperlois Lion fait une première demande afin de transporter son matériel d'imprimerie à Quimper. A l'époque le préfet du Finistère estime qu'un seul imprimeur suffit aux besoins de la localité.
Ce n'est qu'en 1837 que le sieur Lion obtient l'autorisation de transférer ses presses dans la cité du roi Gradlon. Il s'installe alors place Médard.

Journal Le Quimpérois imprimé par Eugène BlotVoir l'image en grand Journal Le Quimpérois imprimé par Eugène BlotEugène Blot continue d'imprimer les annuaires du Finistère pour la préfecture jusqu'en 1851 date à laquelle les faveurs de l'administration sont données à l'imprimeur Lion. Il conserve néanmoins les impressions de l'évêché.

Malgré la concurrence son activité reste très prospère puisqu'en 1837 il est imprime le journal Le Quimpérois, un hebdomadaire qui paraît le samedi. Une enquête demandée par le préfet en 1841 établie que le journal compte 300 abonnés. Et en 1847, il fonde le journal L'Impartial du Finistère.

De son mariage avec Cécile Marie Ollivry naît un fils prénommé Eugène Hyacinthe Marie en 1842. Mais ce dernier ne désirant pas prendre la suite de son père, l'imprimerie est vendu en 1862 à Arsène Le Gal de Kérangal. L'ensemble de la propriété Blot fut cédé au nouveau propriétaire. Eugène Blot se retira rue du Palais où il mourut le 25 janvier 1867.

L'atelier d'imprimerie de la rue des Etaux

C'est probablement vers 1716 que l'enseigne Au bon pasteur, alors unique atelier d'imprimerie de Quimper, s'installe rue des Etaux. Il s'agit de l'importante officine de Jean Périer auparavant située place Maubert. On en a la confirmation grâce à un extrait du registre du Parlement de 1716 conservé dans nos fonds.

Remplacement de Blot par Le Gall de Kerangal, 1862Voir l'image en grand Remplacement de Blot par Le Gall de Kerangal, 1862Mais les archives ne conservent pas de documents du début du XVIIIème siècle localisant de manière formelle l'emplacement de cet atelier. Cependant, il est signalé dans un acte de 1774 que celui-ci se trouve rue des Etaux vis-à-vis de la rue du Sallé. Pour avoir l'emplacement exact de l'atelier il faut se reporter au plan cadastral ainsi qu'à l'état de section de 1835. Au moment de la rédaction de ce dernier, l'atelier appartient aux familles Derrien/Blot.

L'imprimerie de la rue des Etaux passe ainsi de génération en génération, soit aux fils qui deviennent eux-mêmes imprimeurs comme les Périer, soit aux beaux-fils comme ce fut le cas entre Simon Marie Périer et Marin Blot ou encore par remariage comme c'est le cas de Derrien jusqu'en 1862 où l'imprimerie est vendue à Arsène de Kerangal.

Les de Kérangal vont diriger l'atelier jusqu'en 1925 date à laquelle l'imprimerie est achetée par la Société anonyme de la Presse Libérale du Finistère qui prendra le nom d'Imprimerie de Cornouaille. Cette dernière ferme dans les années 1970 emportant avec elle près de deux siècles et demi d'histoire de l'imprimerie à Quimper.

© Archives municipales de Quimper