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Jean-Paul Le Bihan : l’Histoire pour les autres

Jean-Paul Le Bihan : l’Histoire pour les autres

Jean-Paul Le Bihan : l’Histoire pour les autres Jean-Paul Le Bihan, archéologue.Photo : Jean-Jacques Banide
Le 02/10/2014 • Mis à jour le 31/10/2014 | 12h29

Il connaît les dessous de Quimper mieux que quiconque. Voilà quarante ans que Jean-Paul Le Bihan fouille, classe, inventorie. Il parle et écrit volontiers : partager ses découvertes avec le plus grand nombre donne du sens à sa démarche.

Archéologue municipal de 1983 à 2009, il a dépoussiéré l’histoire ancienne de la ville. Un scientifique rigoureux ? Oui, et aussi un homme enthousiaste et généreux.

Né en 1944, prof d’histoire-géo au lycée Brizeux, vous attrapez le virus de l’archéologie à vingt-six ans, à la faveur d’une rencontre. Comment ?

Les rencontres sont au cœur de ma vie, elles me font avancer. Un camarade m’a embarqué dans une équipe de bénévoles, ce fut un coup de foudre, intellectuel et physique – vous n’imaginez pas l’énergie qu’il faut, pour déblayer, parfois, six tonnes de terre par jour à la pioche ! Après l’aventure de l’archéologie militante des années 1970, on a beaucoup organisé, légiféré.

De là à en faire un métier à Quimper…

Il fallait un homme un peu fou pour passer quarante ans sur une seule ville ! C’est au Braden que cela démarre, où l’on met au jour le premier village d’agriculteurs gaulois de l’Ouest. Sur le plan technique on innove, grâce à la pelle mécanique. On passe ensuite à l’air comprimé, la brosse et le pinceau sont moins utilisés. Autre révolution : avec quinze ans d’avance, Quimper est la première ville à éditer une carte avec des zonages. Grâce à des diagnostics préventifs, à l’occasion de travaux d’aménagement, l’archéologie pose moins de problèmes. Cette gestion devient un modèle.

D’autres souvenirs marquants ?

En 1998, on fouille deux des cinq mille tombes enfouies sous la place Laennec : du matériau pour récrire l’histoire médiévale. Jusqu’en Russie, on parle du cercueil d’enfant qu’on a mis au jour… Et depuis 1988, je passe tous mes étés à Ouessant, pour étudier un extraordinaire village de l’âge du bronze. Des équipes de diverses nationalités s’y relaient. Quelle richesse dans les échanges !

Il vous est arrivé de travailler cent vingt heures par semaine. Comment se passe votre retraite ?

Cela reste exceptionnel, mais j’ai la chance de dormir très peu. À quatre heures du matin je me mets volontiers à l’ouvrage… Je ne fais plus beaucoup de terrain, surtout des publications. Le dernier tome d’Archéologie de Quimper, matériaux pour servir l’Histoire est en cours, un travail d’ampleur. Les deux premiers pèsent 3 et 4,6 kg. Mes livres, mais aussi mes conférences, sont des manières de redonner à la société ce qu’elle m’a permis d’apprendre. Mon plus grand plaisir, c’étaient les journées portes ouvertes sur les chantiers, avec les questions du grand public. Avec mes équipes, on a fait notre possible pour rendre accessible un domaine souvent réservé aux élites. Je n’ai pas fait carrière, j’ai horreur du pouvoir… mais j’ai la passion des responsabilités ! Par ailleurs, je continue à diriger le Centre de recherches archéologiques du Finistère.

Dans un registre différent, vous avez publié récemment Cheveux d’ange, un récit à partir de recherches… très personnelles cette fois, sur vos origines, sur vous-même.

Oui, je fais partie des centaines de milliers d’« enfants de la guerre » confiés à la DDASS puis à des parents. J’ai voulu traiter de l’adoption et de l’identité du point de vue de l’enfant, raconter les cheminements que cela entraîne. C’est un livre triste ? Optimiste, surtout. La vie peut être difficile et belle en même temps.