Il connaît les dessous de Quimper mieux que quiconque. Voilà quarante ans que Jean-Paul Le Bihan fouille, classe, inventorie. Il parle et écrit volontiers : partager ses découvertes avec le plus grand nombre donne du sens à sa démarche.
Archéologue municipal de 1983 à 2009, il a dépoussiéré l’histoire ancienne de la ville. Un scientifique rigoureux ? Oui, et aussi un homme enthousiaste et généreux.
Les rencontres sont au cœur de ma vie, elles me font avancer. Un camarade m’a embarqué dans une équipe de bénévoles, ce fut un coup de foudre, intellectuel et physique – vous n’imaginez pas l’énergie qu’il faut, pour déblayer, parfois, six tonnes de terre par jour à la pioche ! Après l’aventure de l’archéologie militante des années 1970, on a beaucoup organisé, légiféré.
Il fallait un homme un peu fou pour passer quarante ans sur une seule ville ! C’est au Braden que cela démarre, où l’on met au jour le premier village d’agriculteurs gaulois de l’Ouest. Sur le plan technique on innove, grâce à la pelle mécanique. On passe ensuite à l’air comprimé, la brosse et le pinceau sont moins utilisés. Autre révolution : avec quinze ans d’avance, Quimper est la première ville à éditer une carte avec des zonages. Grâce à des diagnostics préventifs, à l’occasion de travaux d’aménagement, l’archéologie pose moins de problèmes. Cette gestion devient un modèle.
En 1998, on fouille deux des cinq mille tombes enfouies sous la place Laennec : du matériau pour récrire l’histoire médiévale. Jusqu’en Russie, on parle du cercueil d’enfant qu’on a mis au jour… Et depuis 1988, je passe tous mes étés à Ouessant, pour étudier un extraordinaire village de l’âge du bronze. Des équipes de diverses nationalités s’y relaient. Quelle richesse dans les échanges !
Cela reste exceptionnel, mais j’ai la chance de dormir très peu. À quatre heures du matin je me mets volontiers à l’ouvrage… Je ne fais plus beaucoup de terrain, surtout des publications. Le dernier tome d’Archéologie de Quimper, matériaux pour servir l’Histoire est en cours, un travail d’ampleur. Les deux premiers pèsent 3 et 4,6 kg. Mes livres, mais aussi mes conférences, sont des manières de redonner à la société ce qu’elle m’a permis d’apprendre. Mon plus grand plaisir, c’étaient les journées portes ouvertes sur les chantiers, avec les questions du grand public. Avec mes équipes, on a fait notre possible pour rendre accessible un domaine souvent réservé aux élites. Je n’ai pas fait carrière, j’ai horreur du pouvoir… mais j’ai la passion des responsabilités ! Par ailleurs, je continue à diriger le Centre de recherches archéologiques du Finistère.
Oui, je fais partie des centaines de milliers d’« enfants de la guerre » confiés à la DDASS puis à des parents. J’ai voulu traiter de l’adoption et de l’identité du point de vue de l’enfant, raconter les cheminements que cela entraîne. C’est un livre triste ? Optimiste, surtout. La vie peut être difficile et belle en même temps.